jeudi, novembre 10, 2005

Des idées, André Boisclair ? Quelles idées ?

Le débat d'hier fût moins ennuyant que les deux derniers. Le texte que je veux publier sur le sujet n'étant pas encore prêt, vous devrez attendre à ce soir si vous voulez savoir comment j'ai vu ce débat. Les médias n'ont pas vu la même chose que moi, comme d'habitude, mais je pense sincèrement que ce sont les candidats marginalisés (par ces mêmes médias) qui ont dit les choses les plus intéressantes dans ce dernier débat.

Le texte devrait être prêt ce soir mais je ne sais pas à quel heure. En attendant vous pouvez revoir ce débat sur le site du PQ. Si ça ne marche pas avec Firefox, ouvrez la fenêtre avec Internet Explorer...

Ceci étant, je pense depuis le début de cette course que Boisclair n'a rien de consistant à proposer d'autre que son image de beau gosse. Luc Potvin aussi...(G.V.)

Dans l’entourage de M. André Boisclair, on déplore que le débat porte bien davantage sur les frasques passées du candidat que sur ses idées.

Mais quelles idées ? Voilà le problème. Quelles idées ?

M. Boisclair a-t-il déjà publié un texte de fond exposant sa vision du Québec en général et de l’indépendance en particulier ? On ne parle pas ici d’un livre, simplement d’un texte occupant par exemple la moitié, au moins, d’une page d’un journal comme Le Devoir ou La Presse ? On cherche…

Pour connaître sa pensée, force est de se contenter de ses boniments sur son site Internet de campagne et son blogue, de ses petits discours et des entrevues qu’il donne ici et là.

À travers tout le fatras des clichés à la mode sur le développement durable, l’ouverture sur le monde et autres tartes à la crème de même fournée, on arrive quand même à dégager deux grandes idées-maîtresses, mais qui n’ont rien de bien original, c’est le moins qu’on puisse dire.

1º Un nationalisme dit civique par opposition à un nationalisme supposément ethnique.

2º Un néolibéralisme guère différent de celui de MM. Charest et Dumont

Au nom d’une conception purement civique de la nation, M. Boisclair évacue de son discours presque toute référence à notre histoire quatre fois séculaire. C’est d’autant plus effarant que c’est d’une prise de conscience historique qu’est né le mouvement indépendantiste contemporain. A l’origine, en effet, l’indépendance était présentée comme l’unique moyen pour notre peuple d’accéder à la modernité sans devoir pour autant renoncer à son identité, à sa langue et à sa culture, autrement dit comme l’unique moyen d’échapper au sort tragique de sa diaspora nord-américaine.

Qu’est-elle devenue pour M. Boisclair et les tenants du nationalisme dit civique ? Quelle fin lui assigne-t-on désormais ? On se le demande.

Officiellement, on a le choix entre le paiement de la dette, le rééquilibre fiscal, l’increvable développement durable ou toute autre babiole ne s’élevant pas au-dessus de ce que le général de Gaulle appelait l’intendance. Et sur tous ceux qui redoutent l’effet démobilisateur de pareille dilution du discours indépendantiste s’abat la démagogie la plus délirante. Dans un esprit typiquement trudeauiste, on les accuse de nationalisme ethnique et, comme le fit récemment M. Boisclair, on leur oppose le droit du sol, comme s’il y avait déjà eu, dans toute notre histoire, ne serait-ce qu’un seul partisan d’un quelconque droit du sang.

Puis, quand ce genre de calomnie ne fonctionne plus, on justifie la mise au rancart de l’argumentaire indépendantiste originel en tirant prétexte du fait que notre émancipation économique s’est produite avant l’indépendance. La belle affaire ! Comme s’il n’était pas évident que cette fameuse émancipation économique, seule notre lutte pour l’indépendance l’a rendu possible en forçant Ottawa à nous jeter un peu de lest. Et comme s’il n’était pas tout aussi évident que, sans l’indépendance, rien de ce que nous avons accompli pour sortir de notre vieille condition de porteurs d’eau ne subsistera, dans la mesure où, sans l’indépendance, rien de tout cela n’est irréversible, bien au contraire.

Quant au néolibéralisme de M. Boisclair, il ressort clairement de la priorité qu’il attribue au remboursement de la dette. Il ressort tout aussi clairement de la place qu’il se dit prêt à faire au secteur privé dans des domaines, notamment les divers services sociaux, où le bien commun ainsi que l’intérêt public et national commandent le maintien du monopole de l’État. Mais, là-dessus, accordons au moins à M. Boisclair le mérite d’une certaine cohérence.

La nation purement civique, la nation sans culture particulière ni conscience historique dont il nous rebat les oreilles, c’est bien la nation telle que la préfèrent les rapaces de la mondialisation néolibérale.

C’est la même nation anonyme que celle de Trudeau, celle où les droits de la collectivité dans son ensemble sont niés au profit des seuls droits individuels et où, par conséquent, rien ne freine le libre et sauvage mouvement des capitaux. Progressistes, les apôtres du nationalisme civique comme M. Boisclair ? Quelle illusion ! En réalité, la droite néolibérale compte peu d’agents aussi efficaces.

En conclusion, oui, M. Boisclair a bien quelques idées. Mais, faute de textes quelque peu étoffés, il faut les chercher. Aussi, quand on les a trouvées, ça ressemble passablement aux thèses de l’anti-historien Gérard Bouchard ainsi qu’au récent manifeste de son frère Lucien, l’ancien mentor du jeune candidat. Et ça flanque la nausée.

Si c’est ça, le chef dont le mouvement indépendantiste a besoin…

Luc Potvin