dimanche, novembre 27, 2005

Montréaliser le rêve ? Pas si les métis ont leur mot à dire !

(G.V.)Je ne connaissais pas Russel Bouchard avant de l'avoir lu cette semaine sur Vigile. Et plus je le lis, plus il m'intéresse. Cette semaine dans ce blogue, j'ai mis le lien d'un de ses textes. Il disait clairement... Il faut voir les choses telles qu’elles sont : dans la réalité des faits, l’opposition péquiste est en train de… défendre la souveraineté du fédéral sur les territoires indiens du Québec !!!

Et aujourd'hui, il récidive...
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Lettre aux Canadiens français et aux Métis : Les nationalistes québécois piégés par leur doctrine new age.

Le Québec n'aura jamais été aussi près du « pays », clament en coeur les nationalistes. Qu'ils commencent à comprendre qu'ils sont plutôt en train de manquer leur troisième et dernier rendez-vous avec l'Histoire. Car sans les Métis, foi de Métis, ce Pays ne se fera pas. Ceux qui ont pris l'habitude de parcourir les forums du journal le Québécois en l'absence de Vigile l'auront inévitablement remarqué, les Métis ont eu la cote au cours de la semaine du 20 novembre. À la lueur de ce qui a été âprement débattu, il est, notamment, ressorti une constance : les nationalistes québécois ont perdu tout contact avec la réalité présente, une réalité humaine, sociale et identitaire qui s'est fondamentalement modifiée depuis la dernière défaite référendaire.

Exit les Canadiens français !

Refuser de voir la réalité en face ne l'élimine pas pour autant, une réalité qu'ils n'ont pas l'heur de comprendre. Des slogans ! Rien que des slogans.! Voilà quand les idées font défaut, quand on a perdu de vue la raison première qui a initié la lutte, quand on a perdu l'idée de ce qu'est un vrai pays. Aucune vision de la réalité. Deux mondes irréconciliables s'affrontent. Pendant qu'ils (les nationalistes québécois) s'appliquent à sculpter leur discours pour tâcher de rallier les derniers arrivants, ils ont oublié, qu'au-dessous de tout ça, il y a toujours le Québec, le Québec profond, celui des fondateurs, bougeant comme un volcan qui en appelle à son heure. Autrement dit, les lois des hommes et leurs espoirs ne voient pas qu'ils vont se heurter tantôt à la puissance des lois naturelles et à la mémoire : décroissance démographique meurtrière, vidange des régions du Québec au profit de Montréal, appauvrissement des économies régionales tiersmondisées au profit de Montréal, réveil des ethnies fondatrices, etc.
Depuis le fameux « vote ethnique » de M. Parizeau, les Nationalistes québécois se sont tellement préoccupés de se soulager de cette épine, qu'ils ont entrepris de séduire les nouveaux arrivants, essentiellement regroupés dans le périmètre de Montréal. Pendant que certains parlaient de la « nation civique » et que d'autres leur recommandaient de « jeter les souches canadiennes-françaises au feu de la St-Jean-Baptiste » (une infâmie !), ils se sont mis à définir la nation québécoise comme une nation totalement neuve (le syndrome du Nouveau-Monde, toujours reprendre à zéro, faire table rase de ce qui peut nous rappeler ce que nous sommes, le new age idéologique) ; une nation qui ne peut être désormais que « civique », « inclusive » et « Franco-québécoise » ; une nation où l'identité ethnique ne devait plus être un considérant. Pour montrer qu'ils n'étaient pas racistes, ils ont donc ouvert leurs bras au Haïtiens, ce qui est fort bien ; ils ont dit aux Musulmans nous respectons ce que vous êtes, ce qui est encore louable ; et ils ont dit à tous ces gens venus d'ailleurs, nous sommes tous égaux sous le drapeau que nous vous offrons.

« Les Saguenéens doivent aussi s'intégrer aux nouveaux arrivants », titre le journal régional « Le Réveil », de ce dimanche, 27 novembre 2005 : S'intégrer aux nouveau arrivants !!! Voilà le résultat de la « nation civique » « franco-québécoise » ! Voilà le résultat de nos abandons ! Voilà ce qu'on a fait de nous ! Dans ce pays que nous proposent les nationalistes new age, on peut être de la communauté haïtienne, irlandaise, juive, italienne ou autre. On peut se dire de l'Association Africo-Américaine et se promouvoir dans des associations asiatiques voire russes, ce dont je m'accommode fort bien du reste. On peut même obtenir une médaille pour se déclarer de l'archiconfrérie des collectionneurs de poignées de portes ! Mais, en aucune façon, on peut se réclamer des communautés canadienne-française et métisse, celles qui ont combattu le fusil à la main, souffert, peiné, trimé, déssouché cette forêt pour y faire pousser une âme, fleurir un pays. Le monde à l'envers !...

La mémoire annihilée !!

Pendant qu'ils se sont employés ainsi à façonner leur discours pour rallier toutes les minorités visibles et invisibles de ce pays en devenir, ces minorités qui, il faut le répéter, se retrouvent essentiellement dans le pôle urbain de Montréal ; pendant qu'ils se sont occupé de construire le pays «civique et franco-québécois», ils ont éliminé de tous leurs discours les Canadiens français et les Métis des régions, des collectivités ethno-culturelles qui ne faisant pas parler d'elles pour une raison et pour une autre (toujours la majorité de la population québécoise). Ils ont cassé les socles de leurs héros (Hémon, Groulx, Savard, la liste est sans fin) pour mieux trafiquer la mémoire collective ; ils ont dénaturé l'histoire ; et ils ont complètement détraqué de l'objet premier de leur lutte, qui était jusqu'alors celle de la « survivance » canadienne-française. Et pour être bien certains que le cadavre de la « race » (sic) n'allait jamais sortir de terre pour venir les hanter, ils se sont appliqués à décomposer la population vivant en sol québécois en deux entités totalement distinctes et homogènes : les Franco-québécois et les Indiens qu'ils ont confondus dans le tout autochtone, ce qui, en plus d'être une totale négation de la diversité ethno-culturelle du tout Québec, est une négation de l'existence de tous les autres qui n'entrent pas dans ce cadre : nommons les Métis, les Canadiens français, les Acadiens et les Néo-Écossais, des entités collectives qui, curieusement se regroupent plus spécifiquement dans les « régions ressources » (sic) du Québec, l'entrepôt à matières premières du Québec (aussi bien dire de Montréal). Le dictionnaire n'a qu'un mot pour expliquer ce programme : un Génocide ethno-culturel. Et ce sont d'abord les nationalistes québécois qui l'ont programmé, mis en place et déployés... avec l'aide d'Ottawa qui n'en demandait pas tant.

Pour officialiser ce programme, les élites nationalistes et les chefs ont concocté un plan, qui se résume à une série de traités officiels favorisés par la Constitution canadienne et la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, où on s'entend sur le partage du territoire et de ses ressources. Or, dans ce traité qu'on se prépare à signer avec les Ilnutsh (l'Approche commune), il est question d'Indiens (confondus dans les seuls autochtones – à peine 1% de la population), de Franco-Québécois (tout ce qui n'est pas Indien) et de... « Tiers », c'est-à-dire 98% de la population de ces régions, ce que les Indiens appellent des « Riens », des sans-noms, des errants, des sans patrie, une singulière population dont la très très grande majorité est formée de Canadiens français et de Métis, avec un grand «M».

Le réveil des Métis !!!

L'article 35 de la Constitution canadienne définit ce que sont les peuples autochones : notamment, les Métis, les Indiens et les Inuits, ce qui ouvre la porte aux Canadiens français, aux Acadiens et aux Néo-Écosais. Entendons maintenant que, selon ces règles constitutionnelles et jurisprudentielles, les Métis sont ces gens dont les origines ethniques relèvent, a fortiori, du mélange de l'Indien et de l'Euro-canadien, entendons qu'ils ont également une culture spécifique (ni indienne ni euro-canadienne), et qu'ils sont regroupés dans une communauté qui a ses règles, son code et ses coutumes.

Pour votre gouverne, les communautés métisses officielles au Québec se sont remises en route dans le milieu des années soixante, après avoir été persécutées pendant 150 ans par le Canada. Comme l'ours noir enfermé dans sa ouache pour l'hiver, elle se sont réveillées à ce nouveau printemps de leur histoire dans le dégel du Québec, et, depuis, elles n'ont cessé de reprendre du poil de la bête. Depuis 2003, depuis que la Cour suprême du Canada a statué en notre faveur dans l'affaire Powley (qui impliquait des Métis de l'Ontario), les Métis de tout le Canada ont vu leur code d'appartenance constitutionnel (inclus dans l'article 35) officiellement activé. Une date historique. Par ce revers que nous attendions tous avec beaucoup d'impatience, les gens se sont mis à ne plus avoir honte de leur identité, la fierté s'y est mise et la liste des demandes d'adhésion ne cesse de s'allonger depuis. Et, aujourd'hui, nous entendons faire comprendre aux Québécois, comme aux Canadiens et comme aux autres, que nous sommes un peuple avec tout ce que cela implique, que nous ne voulons faire de mal à personne, que nos traditions sont pacifiques et que nous méritons d'être respectés pour ce que nous sommes. Des MÉTIS !

Conclusion, en ayant essayé d'éliminer les peuples fondateurs du Québec pour un bien vague projet national complètement dénaturé, en niant notre existence dans l'Approche commune, on a contraint ces peuples à se reprendre en main (Canadiens français et Métis) et on a actionné des maîtres ressorts dont personne n'a de contrôle. Finalité de l'histoire, un Traité avec les Ilnutsh, le Québec et le Canada, pourquoi pas vu que nous y sommes (même que nous le souhaitons) ; un pays indépendant, encore là l'affaire n'est pas impossible. Mais qu'on se le dise tant à Québec, Montréal et Ottawa, rien ne se fera plus sans NOUS !...

Russel Bouchard
Métis et historien
Le Fils de l'Étoile du Matin
Chicoutimi
27 novembre 2005

P.S. Pour qui voudrait en savoir plus sur Russel Bouchard, je vous invite à lire le sujet Péquistan qu'il a initié dans le forum du Québécois. C'est très long à lire mais l'effort en vaut la peine, car ce monsieur Bouchard est très articulé et il connait son sujet.